En cette année Saint Paul, nous pouvons nous demander quelle place est faite à l’Apôtre des nations dans le patrimoine de Moissac qui est une “Bible ouverte”.
Dès notre entrée dans l’abbatiale, nous le voyons adossé au trumeau qui soutient le tympan. Sur cette sculpture d’une suprême élégance, toute en hauteur, il tient en main le livre qui symbolise sans doute ses épîtres. Son beau visage, chauve suivant la tradition, est reproduit dans notre diocèse sur les banderoles, les dossiers, les fiches et tous les documents qui nous invitent à mieux connaître saint Paul. On nous l’a emprunté parce qu’il est très beau.
A cette place, il fait face à saint Pierre car les deux colonnes de l’Eglise sont inséparables.
Nous les retrouvons en effet sur le premier pilier près de la porte qui donne de l’église sur le cloître. Ainsi les moines qui déambulaient dans le silence et la prière le long des longues galeries, allaient de saint Pierre avec ses clés, à saint Paul avec son livre, et leur parcours était un beau chemin d’Eglise !
Au début de leur démarche, ils les retrouvaient sur le premier chapiteau, réunis dans leur martyre. Saint Pierre est crucifié la tête en bas tandis que saint Paul doit à sa dignité de citoyen romain d’être mis à mort plus honorablement, décapité par la hache du bourreau. Il pose sa tête sur un billot, lequel avait été creusé pour y déposer des reliques de ces deux grands témoins de la foi, comme on consacre un autel. Ainsi le cloître tout entier, au cœur du monastère, devenait un lieu sacré.
Deux autres chapiteaux nous réservent des surprises. D’abord celui du “lavement des pieds” devant lequel le Père Abbé, le Jeudi-Saint, renouvelait pour ses moines le geste de Jésus. On voit Celui qui est le Seigneur et le Maître, à genoux devant saint Pierre qui, la main levée, se récrie. Près de lui se tient son frère André puis, à notre grand étonnement, saint Paul dont le nom est bien inscrit sur son auréole. Nous savons qu’il n’était pas présent le Jeudi-Saint et qu’il s’est converti plus tard.
Il était présent en revanche lors de la lapidation de saint Etienne. Il reconnaît lui-même : “J’approuvais ses meurtriers et je gardais leurs vêtements.”(Ac 22/20) On le chercherait en vain sur le chapiteau qui raconte le martyre de saint Etienne.
Ainsi, dans le cloître de Moissac, saint Paul n’est pas représenté alors qu’il était bien là dans une circonstance qui ne flatte pas sa mémoire, mais il est mis à l’honneur dans un autre événement, alors qu’il n’y était pas. On notera aussi que saint Pierre représenté plus souvent que Jésus lui même, ne souffre d’aucune allusion à son reniement dans les chapiteaux du cloître de Moissac.
Texte et photos : P. Sirgant