Nous avons accueilli à Moissac le groupe des catéchumènes pour un cheminement dans la foi, quelques jours avant leur baptême dans la nuit de Pâques. Dès qu’il pénètre dans le cloître, celui qui veut entrer dans l’Eglise, va trouver sur le premier pilier, une belle annonce de son prochain baptême. C’est le dialogue de Jésus avec la Samaritaine que saint Jean nous rapporte au chapitre 4 de son évangile. Près du puits de Jacob, le Messie parl de l’eaude nos baptêmes, l’eau vive “qui apaise toutes les soifs et qui deviendra une “source jaillissante pour la vie éternelle”.
Saint Ephrem dit : la Source apaisera ta soif, ta soif n’épuisera pas la source.
Il nous faut regarder comment le Maître de Moissac a traduit cette rencontre dans sa sculpture. Nous voyons deux constructions : à gauche la porte de Sychar et, à droite, le puits de Jacob. Deux groupes de trois personnages, les trois apôtres d’un côté et à droite, les trois principaux : Jésus, la samaritaine et un ange. Les apôtres sortent de la ville où ils sont allés chercher de la nourriture mais Jésus leur dira que sa “nourriture est de faire la volonté de son Père”. Un apôtre, saint Pierre sans doute, manifeste son étonnement de voir Jésus parler avec une femme – ou bien avec cette femme – parce qu’elle est samaritaine et parce qu’elle est connue pour ses aventures.
C’est là que le sculpteur a placé un ange comme si le ciel aussi s’étonnait ! On sait que dans notre cloître “angélique” le Maître de Moissac fait apparaître des anges même là où le texte sacré n’en parle pas. Avons-nous ici l’ange gardien de Jésus ? Il n’est pas là pour le “surveiller” mais pour “veiller sur lui” quand un dialogue aussi profond va atteindre une grande intimité. Cette femme a eu cinq maris ; celui avec qui elle vit, le sixième, n’est donc pas un époux légitime, et Jésus, le septième enfin, est “l’homme de sa vie “… éternelle !
Ils sont tous les deux seuls devant le puits. Jésus, fatigué et assoiffé qui s’est assis sur la margelle, est ici debout, la main levée et l’index dressé comme pour donner plus de force à ses affirmations magnifiques, toujours présentes à notre mémoire chrétienne. La femme a posé sur la margelle le seau qu’elle va oublier pour courir alerter les gens de la ville. Elle était venue à midi, l’heure du plein soleil – et de la lumière de la Révélation – mais pas le bon moment pour puiser de l’eau (fraîche). La “porteuse d’eau” laisse là sa cruche pour se faire “porteuse d’évangile”.
Le catéchumène est un converti, séduit comme la samaritaine, par la découverte de Jésus Christ.
Le chapiteau suivant nous montre en exemple le plus célèbre des catéchumènes saint Martin.
L’inscription qui court sur le tailloir nous dit bien qu’il s’agit de “Martin encore catéchumène”
On le voit coupant son manteau pour le donner à un pauvre affamé et transi de froid. L’épée faite pour tuer devient ici l’outil du partage. Sans être encore baptisé, Martin pratique la charité qui est au cœur de la religion chrétienne. Dans cet homme, il voit un frère en qui il reconnaît Jésus. En effet, l’inscription continue : “Martin m’a couvert de son manteau”, mettant sur les lèvres du Seigneur ce qui sera dit aux justes lors du jugement dernier : “Ce que vous avez fait au plus petit de mes frères, c’est à Moi que vous l’avez fait”. (Ma 25)
Sur la face nord, on voit Jésus accompagné de deux anges, rendant à Martin le manteau tout entier. On sait que l’armée romaine fournissait seulement la moitié de leur équipement à ses soldats et Martin ne pouvait donner que ce qui lui appartenait.
Saint Martin était le disciple de saint Hilaire avec qui il fonda le premier des prieurés à Ligugé, près de Poitiers, représenté sur la face sud du chapiteau. Saint Martin fut le premier évangé- lisateur du monde des campagnes alors livré au paganisme et au culte des idoles.
Un jour où il s’était absenté, un catéchumène eut la mauvaise idée de mourir avant d’être baptisé. A son retour, Martin le ressuscite et le baptise. Sur la face est, on voit Martin de retour de voyage et, devant lui, le grabat où gît le mort. Le baptême est évoqué par un personnage qui tient la Croix et le Livre, les deux signes qui accompagnent encore aujourd’hui, les deux premières étapes du sacrement. Nous les retrouverons dans le chapiteau du baptême de Jésus à l’angle opposé, et chemin faisant, les catéchumènes vont rencontrer d’autres témoignages exemplaires.
Celui par exemple de saintBenoît, le patriarche des moines d’Occident. Sur la face sud, il corrige un moine allergique à la prière qui profite des inclinaisons que l’on doit faire à la fin d’un psaume, pour s’enfuir. On l’excuse quand on voit sur la face ouest, le démon qui le tire par la manche.
Un monastère est représenté sur la face est, sans doute l’abbaye du Mont Cassin fondée par saint Benoît. Pendant la construction, un mur s’est écroulé tuant un moine bâtisseur gisant sur son grabat et que saint Benoît va ressusciter.
Nous avons ainsi deux chapiteaux à la structure identique avec leurs inscriptions désignant les deux saints, Martin et Benoît. Ils nous montrent deux abbayes, lieux par excellence de la foi. Sur chacun de ces chapiteaux, deux faces nous parlent du Partage et de la Prière, les deux commandements du Seigneur dont “le premier est égal au second” l’amour de Dieu et l’amour du prochain. Bel enseignement pour les catéchumènes, car chaque fois, une résurrection vient nous dire que Prier et Partager, c’est “passer de la mort à la Vie” !
Dans notre cheminement, beaucoup d’autres chapiteaux mériteraient un arrêt, ceux par exemple de la galerie est, la galerie des martyrs. Saint Laurent diacre de Rome sert le Seigneur dans la prière et dans les pauvres et saint Saturnin premier évêque de Toulouse, tous deux témoins de la foi jusqu’à la mort.
Nous arrivons au chapiteau représentant le Baptême du Seigneur. Aidé par saint Jean Baptiste, Jésus plongé dans le Jourdain, se relève comme il ressuscitera du tombeau. Le Saint Esprit descend du ciel sous la forme d’une colombe et vient reposer sur lui. Des apôtres l’accompagnent, tenant ses vêtements
Mais surtout, à l’initiative du sculpteur, nous voyons sur les côtés du chapiteau, deux anges : l’un tient une Croix, l’autre le Livre de la Parole. Nous retrouvons ainsi les signes des étapes du Baptême encore en usage aujourd’hui.
Le baptisé est appelé à suivrele Christ dans son mystère pascal et à croire en Celui qui est la Parole vivante de Dieu, le “Chemin, la Vérité et la Vie” !
Texte et photos : P. Sirgant