6 mai 2013
La ville de Moissac va fêter le 950ème anniversaire de cette fête où le 6 novembre 1063, deux siècles après la fondation du monastère, le Père Abbé, qui était en même temps évêque de Toulouse, consacra la nouvelle église qu’il venait de bâtir. Durand de Bredons avait invité sept autres évêques pour cette grande liturgie, heureux d’avoir terminé ce chantier, fier comme un père de famille qui reçoit ses amis pour « pendre la crémaillère » dans sa nouvelle maison.
L’abbatiale bâtie de pierre fut bénie, encensée, lavée, huilée, lustrée, illuminée d’une profusion de cierges, pour être un lieu sacré, consacré à Dieu, réservé à la prière. Les siècles passent, le monument connaît des revers, incendies, écroulement des coupoles romanes, et puis, surtout, les transformations à l‘époque gothique dans les parties hautes où va régner la brique rose et, à la Renaissance, le style nouveau s’impose dans la clôture du chœur. Un mobilier et une statuaire qui vont du IVème au XVIIIème siècle l’ont enrichie. Ainsi l’histoire de l’abbaye est inscrite dans les cicatrices de l’architecture de cette église qui fut d’abord abbatiale, puis collégiale, qui faillit être cathédrale et qui est aujourd’hui paroissiale. Chaque année, nous faisons mémoire de cette dédicace et nous avons eu, il y a peu, l’honneur de la télévision.
Or, et c’est bien là un paradoxe et un bel enseignement, dans sa prière, l’Eglise ne s’intéresse guère aux murs et à l’art des bâtisseurs, mais aux hommes. Elle voit dans nos églises de pierre ou de brique, l’image de cette Eglise avec un E majuscule qui est faite des pierres vivantes que sont les croyants. Devant le temple de Jérusalem dont les apôtres admirent la beauté, Jésus ne joue pas au touriste et prédit qu’il n’en restera pas pierre sur pierre. Il dira aussi : Détruisez ce temple et je le rebâtirai en trois jours. Et l’évangéliste précise que Jésus parlait de son corps ressuscité. Saint Paul peut alors dire aux chrétiens de Corinthe : Vous êtes le temple de Dieu. Vous êtes la maison que Dieu construit. Le temple de Dieu est sacré et ce temple, c’est vous.
Le chrétien se doit d’être édifiant, de construire un monde de justice. Car l’Eglise est ouverte sur le monde et les festivités de cette année veulent célébrer l’église dans la cité. Sous le tympan, les portes sont ouvertes et l’entrée est toujours gratuite. Les marches de pierre se sont usées au cours des siècles sous les pas de milliers et de milliers d’hommes et de femmes, moissagais ou non, visiteurs, touristes, pèlerins, croyants ou non. Car l’église n’est pas d’abord la maison de Dieu qui n’a pas besoin de maison, qu’on ne saurait coincer entre quatre murs, qui n’est pas ici, dans tel lieu, parce qu’il est partout, mais la maison des hommes. Elle est souvent trop grande et parfois trop petite comme pour le dernier adieu à un ami estimé de tous. Ils sont venus très nombreux les moissagais, ils ne savent peut-être plus leurs prières mais ils sont ici chez eux.
Sans son patrimoine, sans cette abbatiale que les travaux du Patus vont mettre en valeur, sans le plus beau cloître du monde, la cité de Moissac serait une bourgade très sympathique mais ne serait pas Moissac.
Père Pierre Sirgant