Par l’Abbé Jean-Michel Poirier
L’évangile de Jean rapporte, qu’après sa prédication sur le pain de vie, « beaucoup des disciples [de Jésus] s’en retournèrent et cessèrent de faire route avec lui » (Jn 6,66). Jésus ne cherche pas à plaire ou se constituer à tout prix une communauté de disciples. Comme il l’affirmera plus tard à Pilate : « je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité » (Jn 18,37), et cela doit passer par la Croix.
Pour autant, si nous ne cherchons pas le succès à tout prix, nous ne saurions développer une culture de l’échec dans notre mission d’évangélisation. La finale du chapitre 6 nous livre la clé par la bouche de Pierre qui s’adresse à Jésus pour lui dire : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as des paroles de vie éternelle. Et nous, nous avons cru et nous avons connu que tu es le Saint de Dieu. » (Jn 6,68-69).
Au cœur du kérygme, il a une personne : Jésus, en qui nous reconnaissons Dieu le Fils qui nous conduit vers le Père et intercède pour que nous recevions l’Esprit, l’Esprit saint que le Père et le Fils nous envoie conjointement (cf. Jn 14,16.26 ; 15,26).
La déclaration de Pierre fixe à l’Église une autre mission
Être le lieu où résonnent les paroles de vie éternelle, où le salut s’expérimente déjà. Jésus l’a promis à une femme samaritaine : « celui qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura plus jamais soif ; au contraire, l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source jaillissant en vie éternelle » (Jn 4,14).
Un puits, voilà une belle image de ce que pourrait être une Église kérygmatique
Un puits dans le désert de ce monde ou aux portes des villes, un puits où Jésus se tient non d’abord comme celui qui fait la leçon ou qui donne à sens unique, mais d’abord dans la posture de celui qui demande et écoute [« Jésus lui dit : « Donne-moi à boire » (Jn 4,7)].
Nicodème (Jn 3), cette femme samaritaine ou encore Pierre et les autres disciples sont des chercheurs de sens, des quêteurs d’humanité, tous désireux du salut. Eux-mêmes se laisseront toucher et deviendrons à leur tour évangélisateurs, annonçant le Christ, témoignant de sa présence et dispensant ses dons.
Le facteur décisif demeure la relation à Jésus et sa reconnaissance comme Christ, le Saint de Dieu, Dieu incarné, la source de vie éternelle. Pour l’annoncer, il faut en vivre, et en vivre conduit tout naturellement à en témoigner, à temps et à contre-temps, en respectant la liberté de l’autre à l’instar de Jésus qui n’a jamais forcé quiconque à croire.