Philippe et le haut fonctionnaire éthiopien

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Publié le 26 septembre 2023

Par l’Abbé Jean-Michel Poirier

Dans les Actes des Apôtres, Luc rapporte un itinéraire conduisant au baptême : celui d’un haut fonctionnaire éthiopien, dont il tait le nom mais donne la fonction (Ac 8,26-40). Suivons-le.

Le récit commence par une injonction de Dieu lui-même à l’un des premiers diacres, déjà présenté comme très actif dans l’œuvre d’évangélisation (Ac 8,4-13). Philippe est invité par un ange du Seigneur à se mettre en marche pour se rendre sur une route qui va de Jérusalem à Gaza, dans un mouvement de sortie caractéristique de l’Église dès son origine. Le pape François l’assène encore dans Evangelii Gaudium (au n°23) : « Fidèle au modèle du maître, il est vital qu’aujourd’hui l’Église sorte pour annoncer l’Évangile à tous, en tous lieux, en toutes occasions, sans hésitation, sans répulsion et sans peur. La joie de l’Évangile est pour tout le peuple, personne ne peut en être exclu. »

Sur la route, Philippe rejoint ce ministre éthiopien, « venu à Jérusalem pour adorer » (v.27). Il rattrape donc un homme déjà en chemin, en l’occurrence un de ces « craignant-Dieu » qui sont touchés par le mystère de Dieu révélé à Israël sans pour autant intégrer le peuple juif. Si cet homme est bien installé socialement – Luc nous le présente « assis sur son char », que seuls les plus fortunés pouvaient posséder –, spirituellement il est aux marges. Les périphéries existentielles chères au pape François ne se confondent pas totalement avec les marginalités socio-économiques.

Cet homme lit le prophète Isaïe et à ce moment de sa recherche que l’évangélisateur rejoint, non sans effort de sa part – car il faut que Philippe adopte le pas de la course pour rejoindre le char (vv. 29-30). Se mettre au pas de l’autre et ne pas lui imposer le sien, écouter ses désirs et ce que Dieu lui a déjà dit et inspiré, écouter aussi avec lui cette Parole dans une posture qui est bien celle de l’accompagnement et non de la direction, voilà ce que ce récit des Actes nous enseigne.

Philippe commence le dialogue par une question : « Comprends-tu ce que tu lis ? » (v.30), et non par un ordre ou une affirmation. L’Éthiopien a besoin de Philippe pour comprendre la profondeur du texte qu’il médite. « À partir de ce passage de l’Écriture », l’évangélisateur annonce « la Bonne Nouvelle de Jésus » (v.35). C’est sans doute le récit de ce qui s’est passé à Jérusalem et en Galilée, dont nous trouvons un résumé incomplet dans le récit des pèlerins d’Emmaüs (Lc 24,19-24) ou plus développé dans les discours que le livre des Actes place sur les bouches de Pierre puis de Paul.

Après un certain temps – non précisé : « comme ils poursuivaient leur route » (v.36) –, la demande de baptême vient de l’eunuque éthiopien : « Voici de l’eau : qu’est-ce qui empêche que je sois baptisé ? » (v.36). La question de l’empêchement n’est pas rhétorique, comme le montre plus loin les débat soulevés par le baptême du centurion romain Corneille, puis de nombreux non-juifs (Ac 10-15). À chaque fois, aussi bien les Actes que l’apôtre Paul dans ses lettres insisteront pour que les nécessaires précautions et les procédures inhérentes à tout groupe constitué ne viennent pas contrecarrer ou ralentir l’action de l’Esprit-Saint. Car c’est finalement Lui le maître la mission !

Enfin, Philippe disparait de la vue de l’Éthiopien qui reprend la route le ramenant chez lui, « tout joyeux » (v.39). La relation humaine, si forte fut-elle, s’efface toujours devant celle avec le Seigneur. « En effet, ce n’est pas nous-mêmes que nous proclamons, mais ceci : ‘Jésus-Christ est le Seigneur’ ; et nous ne sommes que vos serviteurs, à cause de Jésus » (2Co 4,5).

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