Maguy Escande est de retour du Mexique. Elle y a passé deux années comme volontaire de la Délégation catholique pour la coopération (DCC). Elle était au service de personnes âgées sans ressources et d’enfants handicapés issus de milieux pauvres.
Maguy Escande, vous venez de vivre deux années au Mexique, envoyée comme volontaire par la Délégation catholique pour la coopération, quelle était votre mission ?
En fait, j’ai effectué deux missions différentes durant ces deux années. La première qui a duré six mois était dans l’Etat de Querretaro, dans un petit village de 300 habitants qui s’appelait Ezequiel-Montiels. Je travaillais dans un foyer-orphelinat, installé dans un ranch, d’une trentaine d’enfants âgés de 2 à 16 ans. Cette petite structure appartenant à une fondation privée avait peu de moyens et au bout de six mois une autre personne a été engagée, mexicaine, originaire du lieu. J’ai estimé que nos missions étaient trop proches et qu’il valait mieux que je lui laisse la place puisqu’il y avait là une compétence locale.
J’ai eu de la chance que l’on me parle d’une autre mission dans le pays, lors de la rencontre avec le chargé de mission de la DCC. La providence ! On m’a donc proposé de rejoindre un accueil de jour pour personnes âgées dans la ville de Cuernavaca dans la province de Morelos. Ce fut un grand changement, car je suis passée d’un village rural aux quartiers périphériques (une favela) d’une grande ville d’environ 1,8 millions d’habitants, à une heure et demi de Mexico. C’est une association qui propose dans la favela du quartier Lagunilia des activités physiques et manuelles pour ces gens âgés ainsi qu’un petit déjeuner et un repas du soir avant la fermeture du foyer (vers 16 h). Ce foyer était ouvert du mardi au vendredi, faute de moyens.
Comment fonctionnait cet accueil de jour ?
Nous étions deux permanents (l’autre personne était salariée) et des bénévoles nous aidaient pour faire la cuisine. En lien avec la paroisse, cette petite association, dont le responsable était le curé, avait peu de moyens financiers. Ce qui nous obligeait à passer beaucoup de temps pour trouver des fonds pour pouvoir acheter de la nourriture. Nous récupérions les invendus des marchés et heureusement les commerçants du quartier étaient des donateurs réguliers. Pour vous donner une indication, nous pouvions cuisiner de la viande une seule fois par semaine. Notre capacité d’accueil ne pouvait pas dépasser 35-40 personnes. J’ai aussi contribué à ce que nous soyons en relations avec le Rotary. Il ne nous donnait pas d’argent mais nous aidait matériellement avec des dons en nature. D’autres associations ou fondations nous soutenaient mais pas suffisamment pour que nous puissions être ouverts tous les jours. Quand je suis arrivée, le foyer était encore dans des locaux paroissiaux et nous avons ensuite déménagé dans une maison particulière.
Quelle était la situation des personnes accueillies ?
Les personnes âgées, si elles ne sont pas aisées et si elles n’ont pas d’enfants pour les prendre en charge sont très souvent dans une grande précarité, notamment dans les villes. Il n’y a pas de couverture sociale comme en France, ni de retraite. Celles qui venaient au foyer ne savaient pas comment elles allaient faire pour manger correctement pendant les jours de fermeture.
La violence est assez présente au Mexique, notamment dans les grandes villes avec le narcotrafic.
Qu’est-ce qui a motivé votre départ comme volontaire ?
Il faut remonter pas mal d’années en arrière… En 2010, j’ai fait un voyage à pied pour rejoindre Jérusalem. Ce fut une expérience à part, je l’ai vécue au quotidien avec la présence du Christ à mes côtés. Ce fut très prégnant. Vous savez, tous les soirs, je devais frapper à des portes pour trouver un lieu où dormir… J’ai traversé la Syrie quelques mois avant que la guerre civile ne débute. Ensuite, je suis revenue en France, j’ai repris un travail mais le retour fut difficile, j’étais un peu « à côté ». J’ai éprouvé le besoin de consacrer du temps aux autres. Je vivais dans une nécessité de lâcher prise, et le besoin de donner aux autres ce que j’avais vécu intérieurement, c’était un peu comme une dette que j’avais. Je voulais continuer le chemin et le choix de partir avec la DCC (Délégation catholique pour la coopération) s’est imposé à moi. Quatre ans après mon pèlerinage à Jérusalem, j’ai quitté à nouveau mon travail mais l’essentiel n’était plus là, j’avais beaucoup réfléchi et il me semblait que la relation à l’argent que nous avons faisait que les relations avec les autres étaient faussées et que l’on ne pouvait pas se contenter d’accumuler. Pour le coup, j’ai été comblée avec le Mexique, où j’ai été contrainte de vivre au jour le jour et de chercher continuellement de l’argent pour les orphelins et pour les personnes âgées du foyer. Je vivais dans le quartier et logeais dans un petit espace, une chambre et une salle de bain. Ce qui fait que je passais beaucoup de temps dehors.
Quelles relations aviez-vous avec ces personnes ?
Nous avons tissé des liens très forts. Une fois ma journée terminée au foyer, vers 16 h, je partais faire des visites à domicile. Au départ, j’allais porter la communion au nom de la paroisse et petit à petit, j’ai commencé à visiter des personnes et à faire une sorte de suivi individuel dans le quartier. De temps de prière à deux nous nous sommes mis à prier à plusieurs, en famille, à faire des partages d’évangile. Nous avons passé des moments très forts et aussi très gais. Il faut dire que les mexicains sont très pratiquants, très religieux. Le partage est bien plus facile là-bas, c’est très convivial, les choses sont articulées autour de la messe, il y a une approche plus naturelle de la pastorale. Ça coule de source ! Ma foi a grandi au contact de toutes ces personnes.
Deux matins par semaine, je passais aussi du temps avec des enfants handicapés dans une école située dans des locaux de la paroisse. Ces enfants avaient pour certains des handicaps lourds et rien n’est fait pour eux au Mexique. Les écoles spécialisées qui existent sont très chères. Nous proposions des travaux manuels pour les jeunes trisomiques, mais aussi des soins de kiné pour les polyhandicapés, encadrés par une thérapeute qui venait tous les quinze jours bénévolement.
Quel bilan tirez-vous de votre séjour au Mexique ?
J’ai beaucoup appris, en particulier avec les personnes handicapées. Dans les pires situations, il y a toujours un sourire, quelque chose qui donne de l’espérance. A mon retour, j’étais contente de retrouver ma famille. C’est parfois difficile d’être loin de chez soi mais maintenant, ce sont toutes ces personnes qui me manquent ! Les échanges sont tellement forts. On ne se rends pas compte des liens que l’on tisse, c’est après que l’on en prend conscience. Ce sont des amours au cœur. J’ai le sentiment que mon esprit s’est encore ouvert un peu plus avec ces nouvelles expériences.
Et maintenant ?
Pour le moment, je cherche du travail en France. On verra après, mais je projette de repartir dans quelques temps.