Tous les trois ans nous entendons cet évangile le cinquième dimanche de Carême, le dernier avant l’entrée dans la Semaine Sainte. Il est bien connu et cette histoire d’une femme surprise en train de tromper son mari dépasse infiniment l’anecdote ou les aléas de la fidélité conjugale. Si nous rapprochons ce récit de la première lecture, un passage du prophète Isaïe, et de la deuxième lecture, un passage de saint Paul écrivant aux Philippiens nous trouvons, sur des sujets pourtant très différents, un fil conducteur, une perspective, une exhortation commune. Le MESSAGE qui fait le lien pourrait être formulé ainsi : la Parole de Dieu dit à ceux qui veulent bien la recevoir aujourd’hui : « oublie le passé, ne t’attarde pas sur lui, ne t’accroche pas au passé, surtout pas à ces souvenirs qui t’empêchent d’avancer, tourne-toi résolument vers l’avenir ».
Regardons en effet ce message : dans la première lecture le prophète annonce ‘un monde nouveau’, un monde réconcilié, libéré. Il s’agit d’une alliance nouvelle entre Dieu et son peuple. Tandis que celui-ci souffre, est inquiet puisqu’il connaît l’exil, le prophète au nom du Seigneur dit « ne vous souvenez plus du passé, voici que je fais un monde nouveau, il germe déjà… » l’espérance est donnée pour que le Peuple de Dieu puisse se relever : le Seigneur est tendresse et pitié, il est le Sauveur ! Toute la Création en est bénéficiaire, le désert refleurira, la louange des peuples se manifestera comme le psaume le chante : « notre bouche était pleine de rires » Cette nouveauté est ce que vit le peuple libéré, d’abord de la déportation mais dont la vraie libération s’accomplira dans la mort et la résurrection du Christ. Nous comprenons alors la place de ce message à l’approche de Pâques et de la célébration du Mystère de la Rédemption.
Saint Paul, de la même manière, rempli de la force nouvelle du Christ ressuscité, laisse au loin le passé et « les avantages qu’il avait » pour un bien nouveau et inestimable : ‘la connaissance du Christ Jésus son Seigneur » et lui aussi « poursuit sa course…oubliant ce qui est en arrière, lancé vers l’avant, je cours vers le but…LA VIE AVEC LE RESSUSCITE pour toujours ». Il saisit là tout le sens de la vie chrétienne : une marche en avant porté vers la vie éternelle, vers le salut. C’est toute la nouveauté que crée dans le baptisé la présence de la vie divine. La foi n’est pas de faire ceci ou cela, même au nom du Christ c’est que le Christ vive en moi et me porte toujours plus loin, c’est-à-dire me rende disciple, envoyé par le Christ pour l’annoncer. Il n’y a pas de foi sans témoignage, sans évangélisation, sans annonce du ressuscité.
Dans l’évangile c’est la même dynamique. Une femme est amenée à Jésus parce qu’elle vient de commettre un adultère. La loi juive demande aussi que l’homme soit condamné mais ici il n’apparaît pas. Jésus est placé devant un choix difficile :
– Obéir à la loi de Moïse et condamner la femme, donc être en contradiction avec l’annonce de la miséricorde divine qui est le pardon.
– Renvoyer la femme sans la condamner donc s’opposer à la Loi de Moïse et se voir lui-même condamné.
Jésus prend le temps, écrit mystérieusement sur le sol, le silence s’est installé. C’est le temps de la réflexion. Jésus ne critique pas la Loi de Moïse qui vient de Dieu. Il n’approuve pas la conduite de la femme qui a commis un péché grave…La loi religieuse a raison de le dire et de faire respecter l’alliance conjugale. Mais Jésus va simplement dire à ces hommes « que celui qui est sans péché commence…à frapper cette femme ». Il renvoie chacun à lui-même. Faire mourir le pécheur ne fait pas reculer le mal. Seul le pardon fait prendre conscience du péché et de la miséricorde divine. C’est ce que fait Jésus : il pardonne et il fait vivre mais il ne dit pas « ce n’est rien ». Au contraire il l’avertit « désormais ne pèche plus ». Miséricorde et vérité. Le pardon est fait pour changer le coeur du pécheur et « lui donner un coeur nouveau ».
Nous retrouvons là tout ce thème de la nouveauté, de l’avenir, du mouvement vers un changement de vie. C’est l’appel à la conversion que nous entendons tout au long du Carême. Jésus a fait entrer cette femme dans la communauté des pardonnés, des « graciés », dans l’Eglise qui est une communauté de pécheurs appelés au pardon. Aujourd’hui, la Parole de Dieu est une invitation directe à recevoir le sacrement de réconciliation et de pénitence qui nous relève et nous libère de tous nos péchés. L’Eglise rappelle que ce sacrement doit être reçu personnellement auprès d’un prêtre au moins une fois par an pour Pâques. Il est indispensable à ma vie de foi. La mise en pratique de la Parole de Dieu nous conduit vers ce sacrement vécu dans la foi, la confession de nos péchés et le pardon reçu renvoient loin derrière nous le passé et ouvre notre avenir avec Jésus, nous ressuscitons avec le Christ pour la vie nouvelle.
+Monseigneur Bernard Ginoux