L’évangile qui nous est donné ce troisième dimanche de carême est particulièrement en phase avec les questions concrètes que nous nous posons et les jugements que nous portons. Remarquons que, contrairement à l’habitude, Jésus pour son enseignement part de faits divers, d’une réalité proche. La cruauté de Pilate a fait exécuter des fauteurs de troubles, des agitateurs politiques mais, évidemment, une partie d’entre eux étaient innocents. De la même manière les dix-huit victimes de l’effondrement d’une tour des remparts de Jérusalem. Jésus est attentif au quotidien des personnes et tout autant aux évènements douloureux. Il est dans la réalité comme nous, chrétiens, nous devons y être.
Ces temps-ci mais je pourrais dire en tout temps, nous sommes plongés dans des difficultés en tout genre sur toute la planète et s’il fallait en faire la liste ce serait bien trop long. Aujourd’hui la guerre russo-ukrainienne nous inquiète et nous invite à une solidarité pour ceux qui en sont victimes. Nous sommes touchés par le changement climatique, nous avons connu la crise sanitaire, nous sommes affligés par les peuples soumis au terrorisme, nous apprenons chaque jour des crimes et des atrocités, nous découvrons que d’autres ne sont guère mentionnés comme ces 81 personnes condamnées à mort en Arabie saoudite et exécutées ensemble le samedi 12 mars. On n’en parlera guère parce que ce pays produit du pétrole et nous fermons les yeux sur de telles horreurs. Nous sommes pourtant dans le même cas de figure des victimes de Pilate. Nous n’oublions pas que la région il y a dix ans subissait la folie meurtrière du terroriste Merah. Chaque jour nous sommes informés de toute sorte de malheurs. Que faisons-nous ? Nous cherchons à comprendre et nous voulons une explication. Nous descendons dans la rue pour crier notre colère, nous suscitons des élans de solidarité et nous y répondons. Mais reste toujours la question du « pourquoi » et, il faut le reconnaître, la satisfaction d’échapper à tous ces drames. Il y a cependant nos drames personnels qui reprennent la question du « pourquoi » et même du cri « qu’est-ce que j’ai fait au Bon Dieu pour avoir une telle épreuve ? » Nous rejoignons par-là les auditeurs de Jésus qui croient que la venue du malheur, de la maladie, des accidents vient du péché de ceux qui les subissent ou de leurs ancêtres (cf . St Jean IX, l’aveugle-né). Jésus va faire comprendre qu’il n’y a pas à chercher quel péché a causé tel ou tel malheur. Cela n’est pas lié. Le psaume nous dit que Dieu fait pleuvoir sur les bons comme les méchants et briller son soleil sur les justes comme sur les injustes ». Lui-même est venu « pour que tous les hommes soient sauvés » et « qu’ils aient la vie en abondance ».
Les évènements douloureux sont une invitation à la confiance mais aussi à notre conscience : que faisons-nous pour améliorer le monde que Dieu nous donne. Le premier cadeau est la vie, Comment accueillons-nous notre vie ? Comment la rendons-nous féconde à travers nos activités, nos engagements, l’éducation que nous donnons à nos enfants, l’usage de l’argent, le pardon donné à ceux qui nous font du mal ? Tout cela se retrouve dans l’Eglise, dans nos paroisses, dans la société. Notre argent ne nous met à l’abri de rien, nos placements financiers ne nous feront pas entrer dans le Royaume de Dieu et ne nous sauveront ni de l’infarctus ni de l’accident d’avion. Jésus ne fait aucun lien entre notre péché et notre souffrance mais, en revanche, notre péché peut causer aux autres un mal. Nous avons donc à nous convertir sans tarder.
Nous sommes appelés à accueillir la vie qui nous est donnée : « mes pensées ne sont pas vos pensées » dit le prophète parlant de Dieu. Mais Jésus insiste sur la pénitence « si vous ne vous convertissez pas vous périrez tous de même ». Il faut comprendre que c’est maintenant le temps du salut, le temps de la conversion, le temps de changer de vie. Pourquoi ? Pour que, quelle que soit l’heure de notre mort, et ses circonstances nous soyons prêts à retourner vers le Père. La parabole du figuier stérile veut faire comprendre la même chose : ne repoussez pas à demain le temps de la conversion. Le figuier peut encore produire des fruits, dit le vigneron, mais il ne lui donne qu’une année. Il importe au figuier de répondre à l’attente du vigneron. Il nous importe de répondre à l’attente du Sauveur aujourd’hui et ne pas dire « je verrai plus tard ». Le Seigneur passe dans ma vie. Comment suis-je attentif à sa présence ? Comment je m’attache à Lui ? Comment je porte du fruit ?
A chacun de saisir la présence du Christ et de vivre de cette présence.
+Monseigneur Bernard Ginoux