Le martyre de Saint Saturnin
Voici, dans la galerie Est du cloître de Moissac, le chapiteau représentant le martyre de saint Saturnin (vers 250) premier évêque de Toulouse, que l’Eglise fête le 29 novembre.
La Passio sancti Saturnini raconte que le saint passant près du temple païen du Capitole où l’on s’apprêtait à sacrifier un taureau, est arrêté et contraint de vénérer les faux dieux.. Sur son refus, il est attaché par les pieds au cou de l’animal “sauvage et indompté” qui s’élance dans une course folle par les rues de la ville. La tête du saint évêque se brise sur les premières marches du grand escalier de pierre, laissant échapper la cervelle. Des fouilles récentes ont mis à jour, place Esquirol, cet escalier fidèlement reproduit sur notre chapiteau.
L’église du Taur garde le souvenir du premier évangélisateur de la ville et il est surtout honoré dans la magnifique basilique de Saint-Sernin où son tombeau est vénéré. La construction de cet édifice dont Raymond Gayrard fut le maître d’œuvre, fut un temps sous la direction du premier abbé clunisien de Moissac, Dom Durand de Bredons, qui était en même temps évêque de Toulouse. Le chantier n’était pas terminé lorsque l’autel dû au célèbre sculpteur Gilduin, fut consacré en 1096 par le pape Urbain II. Beaucoup d’églises et de chapelles sont dédiées à saint Sernin, abritant des reliques réparties sous l’épiscopat d’Exupère. Le culte du saint martyr créa ainsi un vaste mouvement de piété antérieur au pèlerinage de Compostelle. Dans l’église de Saint-Hilaire d’Aude, un sarcophage représente la scène du martyre sculptée par le Maître de Cabestany.
Face Sud
La face sud du chapiteau montre la condamnation à mort de saint Saturnin. Le maître de Moissac s’écarte du récit qui parle d’une émeute populaire en nous montrant une comparution devant un tribunal.
L’évêque est là avec la crosse épiscopale.
Devant lui, son accusateur.
Il est surveillé par deux soldats “sabre au clair”.
Le juge dont le siège est appuyé à la tour qui représente le temple païen, appuie la sentence de mort d’un geste énergique de la main, doigt levé.
Face Nord
Tel un picador, un soldat, l’arme levée, va piquer le taureau pour l’exciter.
Derrière le picador, ce sont peut-être les deux saintes femmes plus courageuses que les clercs, qui ont recueilli le corps du saint martyr et lui ont donné une première sépulture. Elles sont honorées dans un village de l’Aude, Mas Saintes-Puelles.
Le récit de la passion raconte que le prêtre et les deux diacres qui accompagnaient leur évêque, pris de peur, se sont enfuis lâchement. Le sculpteur de Moissac a peut-être voulu les réhabiliter en montrant ce personnage, peut-être un membre du clergé, qui tente d’arrêter le taureau d’un geste de la main courageusement posée sur le poitrail de l’animal.
Le saint évêque Saturnin consomme son martyre attaché par les pieds au cou du taureau dont la queue empanachée montre qu’il avait été préparé et orné pour le sacrifice.
La tête du martyr heurte la marche, laissant éclater la cervelle.
Face ouest
L’âme de saint Saturnin, sous la forme d’un enfant nu, montant au ciel dans une mandorle. Cette gloire en forme d’ellipse, est accueillie par la main de Dieu.
Le culte des saints dans l’Eglise, a commencé par la vénération des martyrs qui avaient témoigné de leur foi jusqu’à verser leur sang plutôt que de renier le Christ. La mort d’un martyr est le jour de sa naissance au ciel pour une vie éternelle symbolisée ici par ces deux feuilles de lierre. Cette plante toujours verte, est signe d’immortalité
La fleur en forme de croix dans le dé central de la face nord, souligne le rôle de celui qui apporta l’évangile dans cette ville de Toulouse baptisée dans le sang de son premier évêque.
Texte et photos : P. Sirgant