Par l’Abbé Jean-Michel Poirier
Le Psaume 19 (18 dans la numérotation liturgique) articule deux langages de Dieu quand Il communique : la création naturelle (vv. 2-7) et la Loi (vv. 8-12)). Il est bienvenu en ce temps d’été, que nous pouvons rendre propice à une intensification de notre relation à Dieu.
Le langage de la création recèle bien des paradoxes dont celui-ci : « ce n’est pas un récit, il n’y a pas de mots », pourtant le langage des œuvres divine se répand « jusqu’au bout du monde ». Le psaume évoque d’abord les cieux et le firmament puis le jour et la nuit. Il fait ainsi écho au début de Genèse qui raconte comment Dieu créa les cieux et la terre puis fit surgir la lumière qui dompte l’envahissement des ténèbres en les transformant en nuit que parent les étoiles (Gn 1). On peut ici reprendre une section du Siracide célébrant les grandeurs de Dieu dans sa création (Si 42,15–43,33).
L’ensoleillement d’une belle journée estivale ou la beauté d’une nuit étoilée, mais aussi la couleur d’une fleur, la majesté d’un arbre, la forme d’une roche, etc. peuvent être reçus comme parole que le Créateur nous adresse. Recevons-le comme un message de beauté d’autant plus précieux que nous vivons une époque dure, tendue par tant de conflits. Puis de l’œuvre, remontons vers le Créateur : « En effet, c’est le Seigneur qui a tout fait » (Si 43,33a), « il est le Grand, il dépasse toutes ses œuvres » (43,28b). Pour cela, on peut prendre le Ps 96 ou le Ps 148 et laisser nos cœurs se joindre au concert des étoiles et que « tous les Fils de Dieu crièrent hourra ! » (Jb 38,7). « Unis à leur hymne d’allégresse, avec la création tout entière qui t’acclame par nos voix, Dieu, nous te chantons… » (Préface de la prière eucharistique n°IV).
L’autre canal du message divin qui éclaire et réjouit le cœur de l’homme prend la forme d’un discours composé lui de mots, de sentences et de préceptes clairement énoncés : la Torah de Yhwh, la loi du Seigneur (Ps 19,8). Cette Parole est d’abord exposée à des individus choisis pour leur qualité d’écoute, certes, mais aussi pour leur capacité à la transmettre à d’autres. Ici encore la visée est que tous puissent en connaître, comme le manifestent deux grandes liturgies de la parole que nous raconte l’Ancien testament : à l’époque du roi Josias (2R 22,1-3) puis au retour de l’exil, avec le scribe Esdras (Ne 8). Retenons le rôle de ceux qui se tiennent aux côtés de ce dernier : « Ils lisaient dans le livre de la Loi de Dieu, de manière distincte, en en donnant le sens, et ils faisaient comprendre ce qui était lu » (Ne 8,8). Car il ne suffit pas de connaître la Torah et de la retenir en son cœur, il faut aussi la comprendre et l’assimiler afin d’en vivre.
La métaphore de la nourriture revient à plusieurs reprises dans la Bible : voir particulièrement Dt 8,3 ou Ps 119 (118),103 et notre Ps 19, au v.11. L’audacieux texte d’Ez 3,1-3, repris en Ap 10,9-10, fait comprendre qu’avant de proclamer la Parole ou d’en être témoin, il convient d’abord de la recevoir pour s’en nourrir en la digérant dans nos vies, afin qu’elle ressorte incarnée, au bon moment et dans une forme appropriée. Le Psaume 19 se conclut par une supplique du fidèle qui, ayant admiré le langage de la création et reçu dans l’obéissance la loi du Seigneur peut maintenant faire monter vers lui des paroles de remerciement ou de demande : « Que les paroles de ma bouche et le murmure de mon cœur soient agréés en ta présence, Seigneur, mon roc et mon défenseur ! ».
Dans cet échange de paroles se joue l’Alliance qui nous réoriente vers le visage de Celui qui nous transforme progressivement en Jésus-Christ. Ainsi, « nous tous qui, le visage dévoilé, reflétons la gloire du Seigneur, nous sommes transfigurés en cette même image, avec une gloire toujours plus grande par le Seigneur, qui est Esprit » (2Co 3,18).